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Gestion financière du service de restauration et d'hébergement

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Les modalités de calcul du forfait d’externat

Présentation d’une méthode de calcul directement applicable

28 mai 2024

le 13 juillet 2017

La restauration dans les collèges : un service public obligatoire pour le département ? (arrêt de la CAA de Nantes)

Dépêche de Bernard Toulemonde reproduite avec l'aimable autorisation de l'AEF.

Depuis le 1er janvier 2005, les départements ont la charge légale de la restauration des collèges et sont tenus d’assurer l’accueil et la restauration des élèves, "les dépenses afférentes étant pour eux des dépenses obligatoires" ; en conséquence, la "carence" du département "à n’avoir pas exercé sa compétence obligatoire" est constitutive d’une "faute de nature à engager sa responsabilité" à l’égard d’une commune qui a décidé d’assurer "la continuité d’un service public obligatoire qui incombait au département". Telle est la décision prise par la CAA de Nantes dans un arrêt du 10 février 2017 (n°15NT01973), que Bernard Toulemonde, juriste et Igen honoraire, commente pour l’AEF.

Pour la première fois, une juridiction administrative affirme que la restauration dans les collèges est un service public obligatoire pour le département. L’arrêt de la CAA de Nantes (3° chambre) du 10 février 2017 (n°15NT01973), passé inaperçu jusqu’à présent, constituerait, s’il était confirmé, un changement profond avec la doctrine antérieure qui a toujours considéré que la restauration scolaire, à tous les niveaux, était un service public facultatif.

Les faits. Lors de la création du collège de Fondettes (Indre-et-Loire) en 1985, une convention conclue entre la commune, l’État, le département et le syndicat intercommunal de gestion des collèges du canton de St-Cyr-sur-Loire a réparti les dépenses entre les différents intervenants ; dans ce cadre, l’État ayant refusé de prendre en charge la restauration, la commune s’est engagée à fournir les repas aux élèves, service qu’elle a délégué en 1993, en même temps que la restauration de ses écoliers, à la Sodexo, jusqu’à ce qu’une convention de 1999 répartisse les charges entre le département (investissements), le collège (entretien des salles et distribution des repas) et la commune (fourniture des repas). Arguant de la loi de 2004 transférant la mission de restauration des collégiens aux départements à compter du 1er janvier 2005, la commune a engagé une action en remboursement de ses frais pour la période de 2005 à 2010 – date à laquelle un nouvel accord est intervenu entre les parties.

La demande de la commune a d’abord été rejetée par le TA, puis en 2014 par la CAA de Nantes dont l’arrêt a été cassé par le Conseil d’État en 2015 pour insuffisance de motivation. L’affaire est ici jugée à nouveau par la CAA de Nantes, qui donne cette fois satisfaction à la commune et condamne le département à lui verser une indemnité de 500 000 euros.

L’affirmation du caractère obligatoire du service de restauration des collégiens. La loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales a transféré aux départements pour les collèges (et aux régions pour les lycées) le service de restauration des élèves : le département "assure" la "restauration" et "l'hébergement" dans les collèges dont il a la charge (article L.213-2 du code de l’éducation). Dans le présent arrêt, la CAA interprète ce texte comme confiant au département un "service public obligatoire" dont la collectivité ne peut se dispenser, sauf à engager, comme en l’espèce, sa responsabilité.

Une affirmation discutable. Au cours de la procédure précédant cet arrêt, jamais la question du caractère obligatoire ou facultatif du service de restauration dans les collèges n’avait été évoquée par les juges : ceux-ci s’étaient contentés de parler de "la mission de service public" de restauration et d’hébergement des collégiens – et c’est bien cette mission qui a été transférée aux départements par la loi de 2004. Pour autant, cette mission correspond-elle à un service public obligatoire, comme le juge la CAA de Nantes ? On peut en douter sérieusement, pour plusieurs raisons.

D’une part, avant le transfert, la restauration était bien un service public facultatif : "Un service d’hébergement peut être annexé à un collège…" (article 1 du décret n°85-934 du 4 septembre 1985 relatif au fonctionnement du service annexe d’hébergement des EPLE). Il était clair que le service n’était alors obligatoire ni pour l’État ni pour les élèves – et dans la présente affaire, l’État avait refusé de le prendre en charge. En quoi, le transfert de compétence l’aurait-il mué en service obligatoire ?

D’autre part, c’est la mission de restauration et d’hébergement dont la responsabilité appartient désormais à la collectivité locale : en vertu du principe de libre administration, il lui revient de l’organiser (implantation, mutualisation, mode de gestion, tarification) et de la financer ; rien ne l’oblige à le créer dans tous les établissements, mais une fois que la collectivité a décidé de le mettre en place, elle a certes l’obligation de le prendre en charge. Telle est la situation des cantines scolaires des communes, dont le caractère facultatif ne fait aucun doute (Conseil d’État, 5 avril 1984, n°47875). D’ailleurs, dans ses textes, le Ministère de l’Intérieur ne fait pas de différence entre les services de restauration scolaire à tous les niveaux (Circulaire du 16 août 2011 relative aux cantines scolaires : "La loi du 13 août 2004 transfère aux collectivités locales la responsabilité de la restauration scolaire. La cantine scolaire est alors un service public facultatif proposé par elles"). L’Observatoire de la laïcité adopte la même position ("Laïcité et collectivités locales", 2013)

Les enjeux. Le caractère obligatoire du service de restauration et d’hébergement aurait au moins deux conséquences :

  • d’une part, l’obligation de le créer dans tous les établissements scolaires, dès lors qu’une demande, même très réduite, se manifesterait – ce qui conduirait à le mettre en place partout (il existe des exceptions aujourd’hui) et à multiplier les internats ;
  • sans doute, d’autre part, l’obligation d’offrir des repas respectueux des différentes convictions religieuses – ce qui, selon la jurisprudence et l’Observatoire de la laïcité, n’est pas obligatoire compte tenu du caractère facultatif du service.

Affaire à suivre, notamment si le département d’Indre-et-Loire a déposé un pourvoi devant le Conseil d’État.