le 28 novembre 2013
Contrats tripartites : quelles sont les conditions de leur réussite ? Quel contenu ? (débat)
Une dépêche reproduite avec l’aimable autorisation de l’AEF www.aef.info
Les contrats d'objectifs tripartites doivent intégrer les compétences des parties, un « diagnostic partagé », « 3 à 5 objectifs prioritaires » et « clairs » et les modalités de leur « évaluation », selon Jean-Charles Ringard, IGAENR, lors d'un colloque organisé par Éducation et territoires le 26 novembre 2013. Pour Martine Pavot, DG adjointe à l'éducation de la région Nord-Pas de Calais, ces contrats doivent intégrer « des contenus qui impliquent directement les collectivités » sur des « compétences partagées », « là où il y a des chevauchements ». Associer collectivités et communauté éducative en amont de la signature apparaît comme une condition de la réussite des contrats tripartites, qui pour le SNPDEN, devraient contenir aussi les moyens. La « réduction des inégalités scolaires » et l'articulation écoles-collège pourraient devenir des objectifs prioritaires.
« Les objectifs de ces contrats tripartites doivent être partagés mais suffisamment clairs pour être opérationnels », prévient l'IGAENR Jean-Charles Ringard, lors de la journée d'échanges organisée par Éducation et territoires en partenariat avec AEF, le 26 novembre. « Sur la réussite scolaire, est-ce que quelqu'un est en désaccord avec cet objectif ? », relève-t-il avant de préciser : « Avec plus de 7 800 EPLE, posons-nous la question de la faisabilité ». L'inspecteur général estime que les contrats d'objectifs tripartites doivent rappeler les compétences et les « responsabilités » de chaque partie, établir un « diagnostic partagé » et définir 3 à 5 objectifs jugés prioritaires sur une durée « raisonnable » de trois ans.
Associer enseignants et collectivités en amont
Au-delà d'un « cadrage national » des contrats d'objectifs tripartites - « un travail en cours avec l'ARF » -, Jean-Charles Ringard plaide pour une « méthode partagée entre représentants des autorités académiques et des chefs d'établissement » et « un dialogue de gestion ». Reprenant les conclusions d'un rapport de 2009 de l'IGAENR, il soutient l'idée « qu'un contrat qui relève de l'injonction descendante n'est pas un contrat ».
Jean-Louis Baglan, Dasen du Rhône, considère également que « l'enjeu majeur aujourd'hui est que la communauté éducative et les acteurs de l'EPLE s'entendent sur un certain nombre d'objectifs ». « Ces contrats engagent les équipes, les enseignants », argumente-t-il. « La question concrète de la conduite du changement est une condition du changement », appuie Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa. « Si on convoque en urgence un CA [sur le contrat d'objectifs tripartite de l'établissement], on va vers l'échec prévisible », par manque d'adhésion de l'équipe enseignante. Mais selon lui « il y a un clivage entre les principes » défendus par les organisations syndicales d'enseignants « majoritaires » qui s'opposent à ces contrats et les « pratiques sur le terrain ».
« L'essentiel, poursuit-il c'est que ce soit tripartite du début à la fin. Ce n'est pas du 2 + 1 », résume-t-il. « Cela suppose que ce travail opérationnel se fait ensemble et l'évaluation aussi. » Quelles modalités d'évaluation préciser dans le contrat ? Jean-Charles Ringard défend une évaluation « interne et externe ». Alors que Jean-Louis Baglan préfère « une autoévaluation qui elle-même débouchera sur un nouveau contrat ». Philippe Tournier plaide lui pour « une approche d'audit » : « Cela avait été fait dans l'académie de Lille, ça marchait bien », illustre-t-il.
Désaccord sur l'intégration des moyens dans les contrats tripartites
Les moyens doivent-ils être intégrés dans le contrat d'objectif tripartites ? Pour Jean-Charles Ringard « ce contrat n'est pas un contrat d'objectifs et de moyens mais un énoncé d'objectifs prioritaires partagés ». Pierre Jaunin, secrétaire général de l'académie de Caen, ajoute qu'on ne peut « pas s'engager sur une durée de quatre ans. Si l'État n'atteint pas ces objectifs, que fait-il ? Il retire ses moyens ? » Jean-Louis Baglan note de son côté qu'il n'a « jamais vu d'EPLE sans moyens. Les moyens sont là tous les ans », à travers la dotation globale horaire.
« S'il y a des moyens alors pourquoi ne pas les mettre dans un contrat ? » répond Philippe Tournier. « On ne demande pas de moyens supplémentaires, de toute façon il n'y en a pas ! (…) Les moyens doivent être clairement inclus, en particulier les moyens dédiés aux actions prioritaires », et ce pour donner de la « visibilité » (AEF n°183228 et n°188984).
La fin de la convention EPLE-collectivité et du projet d'établissement?
Pour Philippe Tournier, la convention actuelle liant l'établissement à la collectivité pourrait devenir « un chapitre du contrat tripartite » et mentionner ainsi « l'apport des moyens de la collectivité y compris sur les transports ». Autres exemples d'objectifs prioritaires, avancés par Jean-Charles Ringard : « la réduction des inégalités scolaires », « l'articulation écoles-collège ». Ou encore « des aspects très prosaïques » comme « le numérique », illustre la directrice générale adjointe à l'éducation de la région Nord-Pas de Calais, Martine Pavot, qui cite son fonctionnement, son utilisation pédagogique et les moyens humains. Elle propose de faire figurer aussi la façon dont l'établissement « est maintenu », la politique de restauration scolaire et de nutrition ou l'utilisation des locaux.
Le contrat d'objectifs signe-t-il la fin des projets d'établissement ? « À terme, défend Philippe Tournier, le contrat tripartite doit être le seul document. » Les contrats d'objectifs seront « lourds » à construire si c'est « en plus » des autres documents (convention avec la collectivité, projet d'établissement « interne » à l'EPLE), mais pas si le contrat d'objectifs tripartite les fusionne. Pour Jean-Charles Ringard, le contrat « doit tenir compte d'objectifs en cohérence avec le projet d'établissement », pour « une mise en cohérence des politiques éducatives des collectivités et de l'État ».
Pour Catherine Bertin, chef du service éducation à l'ADF, « l'individualisation » des besoins des établissements - un mouvement amorcé depuis plusieurs années - est « un sujet réalisable » à condition qu'il y ait des délégations de signature au sein des services. Pour elle « la diversité fait partie de l'ADN de la décentralisation ». Et « il faut accepter qu'il y ait des différences entre territoires d'une même région (ou académie) car il n'existe pas de relations de subordination entre collectivités ».
Judith Blanes - 26/11/2013
Photos : Gilles Bassignac pour Education & Territoires